On peut se poser la question !
Ce
n'est
pas
par
hasard
qu'Hitler
avait
choisi
son
troisième
lieu
de
résidence,
à
côté
de
Munich
et Salzbourg.
Cette montagne se trouvait au centre d'un dense réseau de symboles.
L'Obersalzberg se situe à la frontière autrichienne.
De
l'autre
côté
se
dresse
l'imposant
et
mystérieux
massif
de
l'Untersberg,
parfois
appelé
"le
Grand Trône de Berchtesgaden", une montagne austro-bavaroise.
C'était important pour Hitler.
La
fameuse
fenêtre
escamotable
gigantesque
du
Berghof
ouvrait
la
vue
sur
l'Untersberg
et
Salzbourg.
Dans
l'un
de
ses
monologues
sans
fin,
Hitler
faisait
allusion
à
cette
vue
qu'il
interprétait
comme
l' "attirance vers la patrie", vers l'Autriche.
Hitler aurait même fait part de son souhait d'être inhumé sur l'Untersberg."
Car ceci était l'autre champ de symboles qui attirait Hitler.
Le grand poète salzbourgeois Georg Trakl écrivit ce vers :
"Le vol des oiseaux résonne de vieilles légendes". ("L'Automne du solitaire").
Les corbeaux de l'Untersberg étaient porteurs d'un message ancien.
Dans
la
brochure
"Autour
de
l'Untersberg"
,
Manfred
von
Ribbentrop
conte
et
interprète
les
légendes
de
la
patrie
d'adoption
d'Adolf
Hitler,
de
cette
"patrie
fortifiante
du
Führer
des
Allemands, où le "savoir venant des voix du sang" était encore vivant.
L'attente
de
la
dernière
bataille
entre
le
bien
et
le
mal,
au
pied
de
l'Untersberg,
près
du
poirier
du Walserfeld, forme le noyau de ces "vieilles fables".
Les
"forces
armées
du
mensonge,
de
la
traîtrise,
du
mal
et
de
toute
honte"
...
traduit
pour
la
propagande national-socialiste du début des années 40.
Le bolchévisme juif, va donner l'assaut afin de remporter la victoire sur le monde entier.
Le sang va couler à flots.
Et
c'est
seulement
après
cela
qu'apparaît
le
sauveur
sortant
de
la
montagne
et
la
"force
jeune
du
peuple Courageux" (des Allemands) vaincra toute l'ombre et le mal du monde.
On rencontre ici le renversement des valeurs caractéristique du national-socialisme.
La
substance
de
cette
instrumentation
politique
venait
de
très
anciennes
légendes
sur
la
prolongation de la vie du maître dans la montagne.
On
peut
distinguer
une
interprétation
préchrétienne
(la
légende
de
Wotan)
d'une
version
chrétienne
(le
mythe
du
grand
Empereur
byzantin
apparaissant
devant
le
Jugement
dernier),
puis
d'une
lecture
postchrétienne
(le
récit
nationaliste
allemand
de
l'avant-première
Guerre
Mondiale)."
Restons
sur
cette
dernière
version
influant
de
manière
directe
sur
l'interprétation
nationale-
socialiste.
Toni Blum publia en 1912 un singspiel nommé "Un chant de I'Untersberg".
L'Empereur
Charles,
endormi
dans
l'Untersberg
attend
avec
son
armée
composée
de
héros
l'heure à laquelle les corbeaux lui annoncent de ressusciter afin de sauver le peuple allemand.
Le peuple, incarné par un berger, prête serment de fidélité.
"Je serai toujours fidèle,
A l'Empereur et au peuple allemand,
Et je fendrai hardiment le crâne,
A quiconque ose nous dénigrer."
Finalement,
l'Empereur
Charles
sort
de
la
montagne
et
le
héraut
annonce
l'unification
de
toute
l'Allemagne.
L'Empereur remporte la victoire et le tout se termine en une apothéose de la grande Allemagne.
"Vive toi, Saint Empire allemand".
La
défaite
de
la
Première
Guerre
Mondiale
et
le
Traité
de
Versailles
étant
ressentis
comme
une
humiliation collective, le peuple allemand se voit infliger un traumatisme de taille.
Dans
les
cercles
nationaux,
on
aspirait
à
la
venue
d'un
sauveur
politique
devant
effacer
cette
honte.
Hitler s'appropria volontairement ce motif.
Il
rattacha
à
sa
propre
personne
la
légende
de
l'Empereur
Charles
dormant
dans
l'Untersberg
et
qui, un beau jour, rétablirait la gloire passée de l'Empire.
Il déclara à Albert Speer :
"Voyez-vous l'Untersberg là-bas?
Ce n'est pas par hasard que j'ai pris mon siège en face".
C'est
ainsi
qu'Hitler
contredit
toute
affirmation
réduisant
l'Empereur
Charles
à
un
tueur
de
Saxons.
Le soir du 4 février 1942, Hitler dit à Himmler :
"Charlemagne était l'un des plus grands êtres humains de l'histoire.
A cette chaîne de symboles s'ajoute encore un maillon supplémentaire.
Selon
une
légende
qui
puise
sa
source
dans
une
chronique
du
XIIe
siècle
attribuée
au
poète Wolfram
von
Eschenbach,
un
empereur
y
dormirait
dans
l'attente
du
moment
opportun
pour venir "régénérer" les peuples germaniques.
Un
autre
aspect
de
la
légende
liait
l'image
de
l'Empereur
dormant
non
pas
à
Charlemagne,
mais
à
l'Empereur
Staufer
Frédéric
II, mieux
connu
comme
Frédéric
Barberousse
(1122-1190),
"Stupor
mundi",l'étonnement
du
monde,
comme
on
appelait
ce
souverain
moderne
au
Moyen-
âge."
Dans
la
propagande
pontificale
du
Moyen-Age,
l'Empereur
Staufer
Frédéric
II
apparaît
sous
forme d'anti-Christ,
de
Lucifer,
d'homme
non-religieux,
un
des
premiers
athéistes
qui
s'autorisait les attributs d'une divinité.'?
"On
dit
que
lorsque
l'Empereur
reviendra
dans
le
monde,
il
suspendra
son
bouclier
à
un
arbre
desséché
et
que
l'arbre
commencera
alors
à
bourgeonner
et
à
verdir
et
qu'un
temps
meilleur
commencera pour l'Allemagne".
La
dimension
critique
de
la
légende
dirigée
contre
l'outrecuidance
du
pouvoir
(qui
pouvait
toucher
l'antireligieux
combattant
pour
l'église
qu'était
Hitler)
fut
renforcée
par
la
légende
du
Watzmann, un autre mythe rattaché à la montagne vis-à-vis de l'Obersalzberg.
Manfred von Ribbentrop raconte la légende du Watzmann comme ceci.
A
l'époque
où
il
y
avait
encore
des
géants,
le
roi-géant
Watzmann
régnait
sur
les
hautes
montagnes bavaroises.
Il
était
un
cruel
souverain
assoiffé
de
sang
et
chasseur
sauvage,
ennemi
des
fermiers
et
des
bergers.
Un
jour
qu'il
chassait
accompagné
de
sa
femme
bourrue
et
de
ses
sept
enfants,
il
rencontra
une
paisible famille de bergers avec son troupeau.
Les féroces chiens du roi déchiquetèrent les bergers à pleines dents.
Le roi Watzmann resta assis sur son cheval, se réjouissant à la vue de ce spectacle sanglant.
Mais soudain, la foudre envahit le ciel.
Les
chiens
du
roi
furent
frappés
d'une
folie
meurtrière
et
éventrèrent
Watzmann
et
sa
cruelle
famille.
Le sang versé forma deux lacs.
Mais les corps des géants se firent pierre et se transformèrent en montagnes "Watzmann.".
Le
fond
politique
de
la
légende
touchait
le
conflit
séculaire
des
privilèges
de
chasse
des
souverains face aux fermiers dans le besoin.
En
contemplant
la
montagne
en
face
de
la
maison
Wachenfeld,
sombre
et
inquiétante
à
la
tombée
du
jour,
Hitler
pouvait
donc
avoir
des
pensées
pour
un
des
fondateurs
du
Saint
Empire
romain germanique.
On
peut
lire
parfois,
pour
valider
qu'il
en
avait
l'obsession,
que,
pendant
ces
méditations,
il
écoutait
des
enregistrements
de
Wagner,
compositeur
justement
réputé
avoir
fondé
son
œuvre
sur les légendes allemandes
Ce
noyau
critiquait
clairement
la
souveraineté
et
pouvait
être
chaque
fois
actualisé
aussi
bien
contre
la
dégénérescence
du
pouvoir
absolu
d'Hitler
que,
de
manière
très
concrète,
contre
l'expulsion des agriculteurs de l'Obersalzberg.
Il
n'y
a,
jusque
là,
aucune
preuve
historique
datant
d'avant
1945
et
appuyant
cette
possible
interprétation.
En matière de mythes, l'important n'est-il pas d'y croire ou d'y faire croire ?
L'Untersberg aura cependant une sorte de revanche tragique.
Courant
1940,
c'est
en
le
contemplant
qu'Hitler
aurait
donné
Barbarossa
comme
nom
de
code
à
l'invasion de l'Union soviétique, dans la nuit du 21 au 22 juin 1941.
Ce serait sa seule référence "sérieuse", encore qu'indirecte, à la prophétie.